Zébu Newsletter N 39 du 20 Août 2008
Chers zébuphiles, ouvrez grand vos mirettes, la Newsletter N 39 arrive enfin !
Notre lointain fondateur étant retenu depuis quelques mois en Europe par ses occupations professionnelles, il m'a confié la rédaction de la newsletter. Je ne suis pas un permanent de la ZOB, je suis... vous ! C'est-à-dire un zébuphile, heureux propriétaire d'un beau mâle qui roule sa bosse dans les campagnes de la région. "Comment ? Ce sont les zébuphiles qui s'écrivent des newsletter maintenant ?" Pas vraiment en fait. Disons que j'ai poussé l'investissement financier jusqu'à l'investissement personnel. J'ai pu profiter d'une pause dans ma carrière professionnelle pour offrir mes services de vétérinaire en tant que bénévole à la ZOB pendant quelques mois.
Alors, quoi de neuf Docteur ?
Depuis 2 mois, ça bouge énormément au bureau ; l'organigramme du personnel a changé après le départ du chef de bureau suite à la découverte de quelques "indélicatesses" qui l'ont mené tout droit à la prison d'Antsirabe. C'est maintenant à la justice de juger ses malversations envers les paysans.
La direction est désormais assurée depuis le 1er juin 2008 par Cousin Germain RAVONJIARISON (Directeur exécutif) et Olivia RAMAMONJISOA (Directrice administrative et financière). Leur tache prioritaire étant de réorganiser la gestion des dossiers et le suivi des paysans afin que la ZOB soit éligible au statut d'Institut de Micro-Finance. Il est primordial que le retard des attributions de PEZ soit vite résorbé. Parmi les nouveautés, on peut citer la création d'un comité de crédit hebdomadaire afin de décider collégialement de l'attribution des crédits aux paysans, l'amélioration de la communication pour informer plus facilement les paysans de l'existence de la ZOB, des formations et réunions proposées... Cela passe par des reportages TV, radio, spots publicitaires. Les paysans intéressés se bousculent au portillon depuis quelques temps !
L'autre gros changement concerne la ferme ZOB, qui vivotait depuis qu'elle n'était plus utilisée comme ferme de transit. De plus les pompes manuelles montées sur les puits afin d'alimenter les deux citernes se sont mises en grève à durée indéterminée du fait qu'on leur secouait les bras à longueur de journée pour puiser l'eau du puit. L'alimentation en eau de l'étable, des maisons des bouviers et surtout des citernes étant compromise par ce mouvement social, le travail d'arrosage des cultures et d'abreuvement des animaux est devenu particulièrement ardu. Aussi la surface cultivée a grandement diminuée pendant la saison sèche ; autant la saison des pluies permet de cultiver du riz ou de l'avoine sur une bonne partie de la superficie, autant la saison sèche impose de passer à des cultures moins gourmandes en eau, c'est-à-dire légumes et fruits en majorité.
Ma mission ici a donc été concentrée sur un but : rendre à la ferme ses 3 lettres de noblesse. La motivation principale étant qu'elle devienne rentable ou au moins auto-financée. La suivante étant qu'elle présente de multiples activités afin de pouvoir faire des formations pratiques dans le cadre de l'accompagnement des paysans, en leur montrant ce qui peut se faire, et comment cela peut se faire.
Ce début d'année a donc vu le remplacement de l'étable en bois par une étable en béton pleinement fonctionnelle et la construction d'une maison pour loger notre chef de ferme "Body G". Les autres équipements se limitaient à un chalet en bois avec trois boxes à cochon un peu précaires et une cabane pour loger les oies la nuit. Le cheptel réduit ne permettant pas d'espérer le financement de la ferme, il a fallu trouver le moyen d'accroître la production. Mais pour que tout ceci puisse se faire, il faut bien sûr des fonds pour investir dans des infrastructures aptes à la réalisation d'une ferme modèle pouvant recevoir les paysans désireux d'en savoir davantage. Heureusement la bonne étoile de la ZOB s'est manifestée !
L'étoile en question est une étoile du Nord, de Nivelles en Belgique plus exactement. Les élèves du collège de Nivelles ont monté un projet ambitieux de récolte de fonds pour financer plusieurs projets à Madagascar dont un au bénéfice de la ZOB. Après de longues semaines de vente de stylos et diverses autres actions, ils nous ont annoncé la bonne nouvelle : 7800€ étaient destinés à la ZOB pour l'achat de bêtes, matériels ou financement de projets ZOB pour aider les paysans. Il a donc été décidé d'utiliser une partie de ce budget et mes quelques compétences pour relancer l'activité de la ferme pédagogique.
J'ai donc pu m'atteler à la réalisation de divers projets, validés par l'équipe dirigeante.
- Les oies ont été expropriées de leur cabane, et cette dernière a été rénovée pour la construction d'un poulailler de poules pondeuses - trente dans un premier temps. Des clapiers pour une dizaine de lapins ont également été réalisés en son sein. Ne vous en faites pas les oies ont été relogées dans les boxes à cochon modifiés avec parcours extérieur, 10 congénères sont venus leur tenir compagnie pour occuper la nouvelle surface.
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- La surface en friche de la ferme a été travaillée pour développer les cultures maraîchères de contre-saison. Et pour pouvoir irriguer toutes ces nouvelles plates bandes, nous avons réalisé une nouvelle installation hydraulique pour l'arrosage et le remplissage des châteaux d'eau, grâce à une motopompe qui remplace avantageusement les pompes à main hors d'usage.
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- L'alimentation des zébus en saison sèche étant limitée à la paille de riz et le foin de brousse de qualité médiocre, les bêtes maigrissent beaucoup jusqu'au retour des pluies et des herbes vertes. J'ai donc pu apprendre au chef de ferme et aux bouviers à réaliser des blocs de complémentation catalytique à base d'urée engrais et d'autres matières premières faciles à trouver localement et économiques. Ces blocs de complémentation permettent d'augmenter la digestibilité et la consommation des fourrages pauvres afin d'améliorer l'état des zébus.
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- Les abords de la ferme ont été embellis pour la rendre très accueillante. Un panneau encadrant l'entrée, digne des plus beaux ranchs, guide nos visiteurs - paysans et souscripteurs - à distance et souhaite la bienvenue à tous ceux qui s'aventurent dans notre direction. Des pieds d'ananas et des bananiers, ont aussi été plantés tout au long des palissades.
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L'autre gros projet étant de développer l'élevage, les nouveaux directeurs m'ont chargé de réaliser, avant mon départ, une porcherie moderne et spacieuse pour profiter de la rentabilité plus élevée de la naissance et engraissement de porcs. J'ai alors mis ma casquette de maître d'oeuvre en bâtiments agricoles, et dessiné les plans d'une porcherie de 30m de long sur 7m de large. Une réserve à l'entrée précédant 9 vastes boxes entièrement maçonnés et étudiés pour diminuer les risques de contamination et faciliter le nettoyage et la distribution d'aliments. Le premier box étant celui réservé au verrat reproducteur, les 4 suivants servant de boxes de maternité pour 4 truies et leur portée, avec case réservée à l'alimentation des porcelets, les 4 derniers étant les boxes d'engraissement pouvant accueillir 6 porcs à l'engraissement chacun. Il est également prévu d'alimenter en eau les boxes en raccordant le bâtiment aux châteaux d'eau désormais fonctionnels. La fin du chantier est prévue pour le 19 août ; cela fait chaud au coeur de voir ce que l'on a inventé sur papier, sortir de terre !
Le budget de réalisation de la porcherie étant estimé à environ 1000 €, il s'est révélé très économique de limiter le recours à des professionnels, à 5 paysans maçons, qui plus est titulaires de contrats à la ZOB, encore un coup de pouce pour améliorer leur quotidien.
Les premiers pensionnaires seront les 7 porcelets nés au mois de juin, de notre truie survivante ! Tonga Soa futurs locataires !
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La ferme est désormais apte à assurer son rôle de formation. Le 2 août, nous avons donc pu faire en ses murs, une journée réunion-formation pour 200 paysans clients de la ZOB. La partie formation s'ajoutant à mes projets dans ce beau pays.
La matinée étant consacrée aux ateliers de sensibilisation à l'enrichissement de la terre. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un des gros problèmes de Madagascar est la déforestation et la désertification des terres - surtout sur les Hauts Plateaux. Cette désertification apparaît en l'espace de deux ans : la première année, la surface boisée est rasée, le bois utilisé dans les poêles à faible rendement pour la cuisson, la terre riche en humus est utilisée intensivement pendant la saison des pluies et aucun engrais naturel n'y est apporté, la terre s'appauvrit. La seconde année elle n'est plus assez fertile pour les cultures, seules les bêtes peuvent y brouter, la zone boisée adjacente est rasée à son tour... L'érosion des sols due à l'absence de végétation finit de désertifier la zone qui est alors abandonnée.
Le but de l'atelier étant de sensibiliser et d'apprendre aux paysans comment enrichir leur terre pour pouvoir en jouir d'une année sur l'autre. L'accent a donc été mis sur les besoins de la terre et les moyens de lui apporter : semis directs sous couverture végétale, plantations de plantes améliorantes en contre saison, utilisation optimale du fumier des zébus que vous leur avez permis d'acquérir et fabrication de compost de qualité, utilisation des engrais minéraux.
Ensuite, il leur a été expliqué l'intérêt de la complémentation catalytique par les blocs à lécher à base d'urée.
La visite des installations a suivi, afin de donner un modèle à imiter pour les paysans et pour susciter l'intérêt et les questions de leur part.
A midi, nous leur avons offert un copieux repas de riz, légumes... et cochon !
L'après midi a été réservé à la réunion d'information sur les nouveautés de la ZOB. A la suite de la discussion que nous avons eue avec les paysans à l'issue de notre précédente réunion du mois de juin, nous avons décidé d'étoffer notre aide directe aux paysans en leur permettant d'acquérir sur le même principe de micro-crédit, le matériel dont ils ont besoin (charrue, herse, bicyclette, engrais, semences) ainsi que les fonds nécessaires au stockage local de leur récoltes de riz. En effet ils sont très souvent obligés de passer par des collecteurs qui leur vendent les semences trois fois plus chers qu'ils n'achètent le même produit au moment des récoltes, grèvant d'autant plus leur pouvoir d'achat (et dans d'autres proportions que le sujet de mécontentement à la mode dans nos pays développés, vous pouvez me croire !)
Ces crédits seront financés par les intérêts perçus lors du remboursement des crédits des animaux, nous ne passerons donc pas par l'attribution de PEZ venant des souscripteurs étrangers.
Alors, jeunes collégiens de Nivelles, voyez tout ce qu'on peut faire ici grâce à votre investissement. Soyez fiers de vous, vous avez contribué à un formidable effet papillon, dont les retombées à Madagascar sont exceptionnelles pour les paysans. La population paysanne de la région d'Antsirabe ainsi que toute l'équipe de la ZOB vous remercient du plus profond du coeur pour votre ouverture d'esprit et votre implication pendant ces longs mois. Je vous remercie également personnellement d'avoir permis d'occuper mon temps de façon si intensive sur le terrain ! J'espère que vous apprécierez de voir affiché dans votre établissement les certificats de propriété des nombreux animaux qui vous sont et seront attribués (et oui désolé, mais avec un tel investissement il faut du temps pour satisfaire tous les contrats y afférents). J'espère pouvoir vous apporter les premiers en main propre et vous faire un petit exposé photo de l'évolution de notre activité ici grâce à vous.
A vous tous, zébuphiles de tous horizons, merci d'être toujours au rendez-vous après toutes ces années et de permettre à ZOB d'exister et d'aider les paysans les plus pauvres.
Merci aussi à Claire Darbaud Rakotonimaro, notre webmaster qui est venue un mois en janvier nous concocter une nouvelle base de donnée.
Voila, beaucoup de nouveautés et d'occupations depuis deux mois. Mon emploi du temps ici a été bien chargé, le temps est passé trop vite, il est bientôt temps de rentrer écouter nos compatriotes se plaindre de tous les maux du monde, quand les populations du Sud se résignent et essaient de survivre !
Je termine par mes infinis remerciements à ZOB de m'avoir accueilli et permis de réaliser tous ces projets. J'ai beaucoup appris au niveau personnel comme au niveau
professionnel, ces quelques mois intensifs m'ont apporté une expérience
inestimable.
Chapeaux bas...
Pour l'équipe ZOB,
Dr Pierre-Alexandre PERRIN